L’extermination 1941-1945

Le 22 juin 1941, l’attaque de l’Union soviétique marque un tournant dans le processus génocidaire. Pour Hitler, la guerre contre l’URSS n’est pas une guerre conventionnelle mais une guerre totale, une « guerre d’extermination » ayant pour fin l’anéantissement du « judéo-bolchevisme ».

Cinq millions de Juifs vivent alors sur le territoire soviétique, dont quatre dans la partie occidentale directement touchée par l’invasion. Dès le printemps 1941, quatre unités spéciales, les Einsatzgruppen, ont été constituées pour suivre l’avancée des troupes allemandes. Elles comptent près de 3 000 volontaires : Waffen SS, membres des forces de police, mais aussi auxiliaires baltes et ukrainiens. Ces « unités mobiles de tuerie », selon l’expression de l’historien américain Raul Hilberg, sont chargées d’éliminer les commissaires politiques, les militants communistes et les hommes juifs, puis, rapidement, l’ensemble de la population juive, femmes et enfants compris. Derrière un front s’étendant de la Baltique à la Mer Noire, les Einsatzgruppen procèdent à des tueries systématiques qui font plus d’1 500 000 morts au total.

Les dirigeants nazis pensent remporter une victoire rapide contre l’URSS. La résistance inattendue des troupes soviétiques les amène à remiser, au moins provisoirement, le projet d’une expulsion généralisée des Juifs à l’Est, en même temps qu’elle laisse entrevoir l’éventualité d’une nouvelle défaite militaire de l’Allemagne. C’est dans ce contexte qu’est prise, à l’automne 1941, la décision d’assassiner tous les Juifs d’Europe.

La technique retenue est le gazage homicide déjà employé en secret depuis le début de l’année 1940 dans six centres d’euthanasie situés à l’intérieur du Reich à l’encontre d’handicapés mentaux et de malades incurables, lors de l’Aktion T4. Dans un premier temps, les Juifs sont asphyxiés à l’arrière de camions au moyen des gaz d’échappement. Ces camions à gaz sont utilisés à Chelmno à partir du 8 décembre 1941.

 

La «Solution finale de la question juive»

L’extermination des Juifs a donc commencé lorsque se tient à Wannsee, le 20 janvier 1942, une conférence au cours de laquelle sont précisées les modalités administratives, politiques et diplomatiques de la « Solution finale de la question juive ». La conférence était initialement convoquée pour le 9 décembre 1941. Elle fut repoussée en raison de l’attaque japonaise contre les Etats-Unis, provoquant son entrée en guerre et l’extension désormais planétaire du conflit.

Pour les nazis, onze millions de Juifs, dont ceux présents en Angleterre, en Irlande et sur les territoires liées à la France en Afrique du Nord, sont concernés. La réunion confirme par ailleurs la prééminence administrative et bureaucratique de la SS dans le génocide des Juifs d’Europe.

L’étape suivante est la liquidation des Juifs du Gouvernement général, appelée Aktion Reinhard. Trois « centres de mises à mort », selon l’expression de Raul Hilberg, équipés de chambres à gaz fixes, sont construits à Belzec, Treblinka et Sobibor au début de l’année 1942. Les trois centres de mise à mort fonctionnent selon un même modèle. À l’arrivée des convois, les victimes doivent se déshabiller avant d’être poussées dans les chambres à gaz à travers un corridor entouré de barbelés. Les chambres à gaz, maquillées en salle de douches, fonctionnent au moyen du monoxyde de carbone produit par des moteurs diesel.

Les corps des victimes sont d’abord ensevelis dans des fosses communes creusées à proximité, puis brûlés sur des bûchers à ciel ouvert, afin de dissimuler toute trace du massacre.

 

 

Environ 550 000 personnes sont tuées à Belzec en l’espace de neuf mois entre mars et décembre 1942 ; 250 000 à Sobibor entre mai 1942 et octobre 1943 ; 900 000 à Treblinka entre juillet 1942 et novembre 1943. Alors que le site de Belzec est abandonné en juin 1943, Treblinka et Sobibor cessent de fonctionner après la révolte du commando juif chargé du fonctionnement des installations, respectivement le 2 août et le 14 octobre 1943.

L’Aktion Reinhard prend fin avec l’exécution des 43 000 détenus juifs du camp de Majdanek et des ateliers de travail de la région de Lublin, entre le 3 et le 5 novembre 1943. Parallèlement à l’Aktion Reinhard, le camp d’Auschwitz est doté de grandes installations de gazage et d’incinération, où un million de Juifs, déportés de tous les territoires occupés par les forces du Reich, sont assassinés entre 1942 et 1944.

Malgré la volonté des nazis de préserver le secret sur ces crimes, des informations circulent rapidement au sein des pays occupés et sont transmises aux principaux gouvernements alliés. Ainsi en mai 1942, un rapport du Bund (Union générale des travailleurs juifs) parvient au gouvernement polonais en exil à Londres, décrivant l’extermination des Juifs, fournissant une liste de sites d’extermination ainsi qu’une estimation du nombre de victimes de 700 000, qui s’avère inférieure à la réalité.

La radio anglaise rapporte ces informations. Tout au long du printemps et jusqu’à la fin de l’année, de nouveaux messages parviennent à Londres et à Washington. Ainsi, le 8 août 1942, le représentant du congrès juif mondial en Suisse, Gerhart Riegner adresse un télégramme au rabbin Stephen Wise, président du congrès juif mondial aux États-Unis, et à Sidney Silverman, un député britannique, relayant les confidences d’Eduard Schulte, un industriel allemand sur un vaste programme d’assassinat des Juifs d’Europe. Dans les dernières semaines de 1942, le résistant polonais Jan Karski témoigne de son parcours clandestin au sein du ghetto de Varsovie auprès du premier ministre britannique puis, en 1943, auprès du président américain.

 

Sur la base de ces informations, les gouvernements alliés dénoncent le 17 décembre 1942, pour la première fois expressément, la politique d’extermination des Juifs d’Europe, sans jamais intervenir directement jusqu’à la fin de la guerre.